Traverser un deuil est une épreuve. A chaque nouvelle année qui s’annonce, c’est tout un processus qui redémarre : les dates anniversaires, les événements familiaux, le temps qui passe, les projets qui se poursuivent, sans l’être aimé. A cela s’ajoute un contexte sanitaire anxiogène, durant lequel les réunions conviviales, nécessaires au réconfort et à la libération de la parole, ont été mises à mal. Alors, comment faire pour surmonter son deuil en cette nouvelle année 2022 ?
Se donner des objectifs
C’est la tradition : la nouvelle année rime généralement avec bonnes résolutions. Toutefois, dans le cadre d’un deuil, il est plus approprié de parler d’objectifs à se donner tout au long de l’année. 365 jours pour cocher des cases. Quatre saisons, pour tenter de redonner un sens à sa vie.
Le deuil est un processus long et propre à chacun. Aussi, il n’y a pas d’objectifs types à se fixer. Il faut que l’endeuillé s’écoute et puisse entrevoir une évolution dans des petits gestes simples tels que :
- Se rendre au cimetière si ce geste est difficile pour lui ;
- Ranger les affaires du défunt s’il s’agit d’un conjoint, etc ;
- Réussir à en parler à ses proches, car on sait combien un endeuillé peut refouler ses émotions et s’isoler ;
- Accepter de regarder quelques photos et les associer à des souvenirs heureux ;
- Retourner dans un lieu incarnant le défunt ;
- Reprendre le travail, lorsque la douleur est trop intense pour se confronter à la réalité de la vie ;
- Reprendre une activité et donc une vie sociale, difficile à envisager car ce serait admettre que la vie continue malgré l’absence de l’être aimé ;
- S’adonner à quelques passions, s’autoriser à vivre pour soi.
Ces quelques exemples d’objectifs à atteindre sont de l’ordre du bien-être, du retour à la vie sociale ou professionnelle, mais aussi du symbole. Parfois, simplement réussir à parler du défunt sans pleurer est une véritable victoire pour l’endeuillé. Entrer dans le restaurant favori de l’être cher perdu et réussir à y déjeuner peut s’avérer réparateur. Il s’agit de sortir de l’évitement, du déni, de rejet pour laisser place à de nouvelles habitudes. De plus, l’endeuillé laisse de côté ce sentiment de culpabilité lié au fait de poursuivre sa vie, son quotidien, car il comprend alors que cela n’empêche en rien de penser au défunt, de l’honorer.
Repenser les dates anniversaires
Ce sont les moments difficiles, appréhendés par les endeuillés lorsqu’une année redémarre. Chaque date semble alors importante, essentielle, à marquer d’une croix blanche. L’endeuillé compte les jours avant les dates anniversaires, angoisse à l’idée d’y arriver, se met dans une bulle de nostalgie et de tristesse au moment venu.
Il peut s’agir de la date :
- d’anniversaire du défunt ;
- du mariage du défunt avec son ou sa conjointe ;
- d’anniversaire de la mort ;
- du jour des obsèques ;
- à laquelle une maladie a été diagnostiquée ;
- des jours anniversaires des membres de la famille (enfants, parents, etc) ;
- des fêtes : Noël principalement, le jour de l’an ;
- des jours de commémoration : la Toussaint, le 11 novembre, etc ;
- de la Saint Valentin ;
- d’un souvenir particulier (une demande en mariage, l’annonce d’une grossesse, un voyage attendu de longue date…).
Ces dates, surtout s’il s’agit de premières dates anniversaires, sont douloureuses à passer. Ce sont des caps chargés d’émotion que l’endeuillé peut soit très mal vivre, soit accepter.
2022 est peut-être l’occasion de repenser ces dates anniversaires et de créer de nouvelles habitudes autour de celles-ci afin de mieux les accepter. Il peut s’agir :
- De partir en weekend avec sa famille plutôt que de rester chez soi, seul ;
- De passer les fêtes de fin d’année ailleurs qu’au domicile, où tous les souvenirs sont présents (à la montagne, au bout du monde, au soleil…) ;
- D’essayer de célébrer la mémoire de l’être cher plutôt que de se remémorer sa disparition : allumer une bougie, aller en famille ou entre amis au restaurant, passer cette journée à se faire des soins bien-être, faire une randonnée pour aller au bout de soi, se réunir en famille et projeter les photos familiales.
- De continuer de célébrer les anniversaires des autres personnes en ayant une attention particulière pour le défunt si le décès est récent. Il peut s’agir de simplement évoquer son nom dans un discours, de créer un cadeau personnalisé souvenir, d’allumer une bougie ou de faire s’envoler un lampion.
- De trouver des gestes symboliques, chargés d’espoir, à mettre en application les jours anniversaires : planter un arbre, faire un don à une association, parrainer un enfant malade, devenir bénévole. Il s’agit ici de transformer sa peine en force pour pouvoir aider son prochain. Ce retour à l’utilité sociale aide bon nombre d’endeuillés car ils trouvent alors un sens à leur avenir, tout en sachant pourquoi ils le font.
Se laisser le temps d’exprimer ses émotions
Le climat actuel en France et dans le monde se veut anxiogène pour beaucoup de personnes. Vivre un deuil dans ces conditions peut être encore plus difficile : différents confinements qui ont donc forcé à l’isolement social en des temps où l’on souhaite être entouré, limitation des sorties, couvre-feu, cérémonies d’hommage restreintes, etc.
Les deuils vécus depuis 2020 ont été mis à l’épreuve. Les endeuillés ont besoin de libérer leur parole, d’exprimer leurs émotions, par tous les moyens. En effet, au moment de l’annonce du décès, le choc brutal ressenti peut laisser l’endeuillé dans le silence. Il ne comprend pas lui-même ce qu’il se passe et est incapable de mettre des mots sur ce qu’il vit. Ce serait aussi admettre la réalité, ce qui semble impensable à ce moment. Après les obsèques, un sentiment de solitude naît. L’endeuillé a été entouré par de nombreuses personnes jusqu’aux derniers adieux, et désormais, ses proches reprennent leur quotidien. Les appels et visites sont moins nombreux, d’autres sentiments apparaissent aussi en même temps que le deuil s’initie : la colère, l’injustice, la tristesse, la culpabilité. Pourquoi les autres arrivent-ils à reprendre une vie “normale” si facilement ? Pourquoi ne voient-ils pas que je suis mal ? J’ai le sentiment d’être seul à souffrir. Je ne vais jamais m’en remettre. Ca semble si simple pour eux. J’ai besoin de parler mais je ne veux pas les embêter avec mon deuil ou les polluer d’ondes négatives. On ne pourra rien changer à ma condition alors je ferais mieux de garder mes émotions pour moi.
Autant de sentiments qui envahissent l’esprit et le cœur de l’endeuillé. En ce début d’année 2022, il est temps de penser à soi, à son bien-être. Et cela passe par l’expression de ses émotions.
- Intégrer un groupe de parole sur le deuil : excellent moyen de libérer sa parole, d’être entouré de personnes qui vivent la même épreuve, mais aussi découvrir le combat de certains endeuillés, à un stade avancé du deuil, qui parviennent à s’en sortir. Il s’agit de partager son expérience, ses craintes, ses petits moments de joie. Aussi, l’endeuillé retrouve une vie sociale en douceur, et adaptée à ses besoins.
- Ecrire une lettre au défunt : cela peut être une idée intéressante pour exprimer ses émotions : colère, culpabilité, joie, tristesse, espoir. L’endeuillé rédige cette lettre quand il le souhaite (une seule fois, à chaque anniversaire, au moment où il en ressent le besoin). C’est une manière de lui parler, de lui dire ce que vous ressentez, ce que vous ne lui avez jamais dit, mais aussi de partager votre évolution au fil des mois. Quelles ont été vos petites victoires du mois ? Quels caps avez-vous franchis ? Quelles émotions vous submergent à telle ou telle date ? Coucher sur le papier ces quelques mots fait du bien. Cela concrétise des pensées , mais permet aussi et surtout de de vider concrètement son sac. L’endeuillé peut y ajouter une autre symbolique en brûlant la lettre lorsqu’il s’agit d’un au revoir au défunt.
- S’exprimer par l’art-thérapie : méthode qui a fait ses preuves dans l’initiation du deuil. L’art devient un moyen d’expression par la musique, la poésie, la peinture, la danse…
- Oser parler, s’exprimer. Une chose est certaine, bien que l’on puisse imaginer qu’un proche aille mal, on ne le sait réellement que lorsqu’il le dit. L’endeuillé ne doit pas avoir peur de dire qu’il ne va pas bien. C’est légitime, compréhensible. C’est la raison pour laquelle il convient de ne pas attendre que les autres devinent votre mal-être pour vous exprimer. Vous risqueriez d’être déçu, de développer un sentiment de colère et d’injustice à leur encontre alors qu’ils ne se doutaient pas de votre si grande souffrance. Osez, les contacter pour vous confier. Vous saurez, avec le temps, vers qui vous tourner pour recevoir le réconfort dont vous avez besoin. Il s’agira parfois d’être remotivé, ou simplement d’être écouté, parfois même compris et plaint. Lorsque le décès a eu lieu plusieurs mois, voire plusieurs années en arrière, l’endeuillé peut se sentir mal à l’aise à l’idée d’être encore mal et d’avoir le sentiment de “déranger encore” ses proches avec sa peine. Le deuil est long. Perdre quelqu’un est terrible. Entouré des bonnes personnes, vous saurez que ressentir de la tristesse est normal, et qu’il faut en parler.
Un point de vigilance toutefois : identifier bien votre besoin de décharger vos émotions. Est-ce pour vous sentir mieux ou pour vous sentir moins seul ? Tentez-vous d’attirer l’attention de vos proches car vous vous sentez oublié ? Délaissé ?
Cela est important car vous pourriez en venir, sur le long terme, à ressasser encore et encore votre deuil pour avoir le sentiment d’exister auprès des gens. Encore une fois, exprimez-vous : je ne me sens pas assez soutenu, j’ai le sentiment que vous ne m’accompagnez pas assez, que vous avez oublié le défunt. Vous ne me demandez jamais comment je me sens, cela me blesse. Vous oubliez les dates anniversaires et cela me fait de la peine. J’ai le sentiment de vous embêter lorsque je vous parle du défunt, est-ce vrai ?
Surmonter un deuil en 2022 semble donc être synonyme de reconnexion avec ses émotions, son bien-être. L’expression de ses sentiments est essentielle pour affronter le deuil. Aussi, les personnes en deuil peuvent repenser leurs habitudes, trouver de nouveaux repères, imaginer de nouveaux moments propices au retour à l’espoir, à la bienveillance.
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